mardi 11 décembre 2012

Démolition

Elle avait le visage fatigué, comme lavé par les ans, le sillon autour de ses lèvres érodé, les yeux ne brillaient plus, posaient un regard absent et apeuré sur le monde qui l'entouraient, spécialement lorsqu'elle pensait qu'on ne la voyait pas.  Autour d'elle, une atmosphère éteinte et mortifère se dégageait. Elle ressemblait à une fleur séchée, récoltée par un herboriste qui l'aurait torturée jusqu'à enlever toute beauté, en même temps que l'illusion de la vie.

Elle perdait ses cheveux, qui ressemblaient à du lin usé. Elle s'habillait de robes informes et tristes. On n'arrivait plus à reconnaître la jeune fille fraîche, simple et heureuse dont témoignaient  encore certaines photos.

C'était pourtant il y a quelques années: les vêtements étaient désuets, le ruban dans les cheveux bouclés, les lunettes sages contrastaient avec un sourire vivant, pétillant. Elle aurait pu incarner la jeune fille modèle. C'était une très jolie personne.

Elle avait juste croisé la mauvaise personne : il paraissait beau, intelligent, charismatique. Il impressionnait.

Au début, tout allait bien. La mariée était heureuse dans sa belle robe à la fourrure blanche, ses gestes doux et modestes auréolaient un visage d'ange régulier. Le marié exposait déjà un sourire carnassier, mais qui passait pour l'insolence de la jeunesse. Elle, qui cherchait un prince charmant, était comblée. En fait, elle venait d'épouser son bourreau.

Les coups et les humiliations, la destruction systématique de son amour-propre, l'emprisonnement mental, la toute-puissance, avaient grandi au cours des ans.

Elle était restée avec lui, par attachement, par peur de la solitude, par la dépendance affective, par fatalité. Elle supportait jour après jour sa violence. Et tant pis si ses enfants en souffraient. Elle s'enfermait dans un néant dépressionnel, jusqu'à être devenu le spectre d'elle-même.

Parfois, elle partait errer seule dans la campagne, hantant de sa silhouette désespérée des sentiers désolés. Elle marchait sans but, sans savoir pourquoi, comme si elle allait réussir à trouver une issue...

Dès qu'elle revenait à la maison, il l'accusait de tout, il ne supportait pas qu'elle s'enfuie momentanément de sa vie. Elle était à lui. Sa rage et sa hargne se décuplaient, jusqu'à ce qu'elle se retrouve en boule dans un coin de pièce, hoquetant de douleurs...

Mais elle croyait encore l'aimer. Elle pensait qu'il pouvait changer. A chaque parole moins dure, elle se reprenait à espérer, même si peu de temps après, la violence recommençait, usant encore un peu plus son visage fané.        

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